Atelier 4 – Ouverture du dimanche : un enjeu européen ?

{{Atelier animé par}}
{{Olivier Dauvers}}
{Tribune Grande Conso}


{{Intervenants}}
{{Emmanuel de LABARRE}}
Directeur Général
{Eurelia}
{{Marion Kahn-Guerra}}
avocate
{Cabinet BMS}




{{Marion KAHN-GUERRA}}
_ La réglementation française du travail le dimanche est plus modérée que dans les autres pays européens. Ces derniers légifèrent sur le nombre d’ouvertures dominicales autorisées dans le commerce non alimentaire. En France, le droit d’ouverture est de cinq dimanches par an. Le maire répartit ces cinq dimanches dans l’année. Il peut les interdire comme à Rennes ou à Nantes. De grandes disparités existent donc entre les communes.
_ Aujourd’hui en Europe, la ligne de fracture entre les pays qui ont une législation libérale (Portugal) et ceux qui ont une réglementation restrictive (Grande-Bretagne, Pays-Bas) n’est pas religieuse. Ainsi, l’ouverture des commerces est autorisée tous les dimanches au Portugal.
_ Le pays le plus libéral en la matière est la Suède et le plus restrictif est l’Allemagne. Dans ce pays seules les stations service et les magasins situés près des aéroports sont autorisés à ouvrir le dimanche. Les länders peuvent également autoriser un nombre limité de dimanches travaillés par an mais la plupart restent conservateurs dans ce domaine.
_ La possibilité d’une harmonisation européenne est faible. En effet, chaque Etat a l’obligation de respecter le principe du repos hebdomadaire mais il est libre d’en fixer le jour. Si la Commission européenne adoptait une réglementation plus libérale, un Etat pourrait s’appuyer sur le principe du respect du droit à la vie privée (article 8 de la convention européenne des droits de l’homme) pour ne pas respecter cette réglementation.



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ Les analyses des comptes d’exploitation ne sont pas concluantes sur l’intérêt des ouvertures dominicales. 95% des commerçants estiment qu’ouvrir le dimanche n’apporte pas de bénéfice : le chiffre d’affaires supplémentaire est annulé par les charges additionnelles. Les prises de position des syndicats sont plus politiques qu’économiques. 17 % des 200 chaînes que nous avons interrogées considèrent qu’elles gagnent peu à fonctionner le dimanche. Beaucoup de chaînes ouvrent pour suivre leurs concurrents. Cependant, des spécificités régionales sont identifiées : par exemple, en Ile de France, l’engorgement routier en semaine justifie l’ouverture le dimanche. De même, beaucoup de cas particuliers régionaux cohabitent en Europe. Ainsi le Pays Basque interdit toute ouverture le dimanche. Par ailleurs, la législation, qui prévoit 184 dérogations, demande à être simplifiée.



{{Marion KAHN-GUERRA}}
_ Le Conseil économique et social a proposé que les commerçants fixent eux-mêmes les cinq dimanches d’ouverture autorisés par an en France. Cette mesure risque toutefois de supprimer la dynamique crée par l’ouverture simultanée de plusieurs magasins le dimanche. Dans une unité de lieu, des commerçants pourraient cependant s’associer pour ouvrir en même temps.



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ Si l’on tient compte du Produit intérieur brut (PIB) et des comptes d’exploitation, personne n’est capable de soutenir que l’ouverture le dimanche est rentable. C’est donc une question politique !



{{Olivier DAUVERS}}
_ Pourquoi la création d’heures travaillées supplémentaires n’a pas d’effet macroéconomique.



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ L’effet macroéconomique se produit au bout de deux ans. Si l’ouverture le dimanche est généralisée, le surcroît de consommation sera nul. Mais, en supprimant la charge supplémentaire incombant aux entreprises ouvertes le dimanche, les données du problème changent ! Si tout le monde peut ouvrir le dimanche, seuls les commerces importants vont perdurer.



{ {{Echanges avec la salle}} }

{{Jean-Pierre LEHMANN}} (Président de la Fédération Nationale des Centres Villes)
_ L’ouverture dominicale oblige les commerçants à doubler leur masse salariale et donc à augmenter leur marge. En Europe, la clientèle transfrontalière risque de fuir en raison de la hausse des prix ainsi provoquée. Par exemple, les prix pratiqués en Belgique deviendront encore plus attractifs. Dans les autres pays, le travail le dimanche est-il payé trois fois plus que le travail en semaine?



{{Marion KAHN-GUERRA}}
_ Des compensations salariales sont établies.



{{Jean-Pierre LEHMANN}}
_ L’ouverture dominicale est, pour les commerces de centres–ville, de faire du chiffre d’affaire avec les touristes. Mais aucun commerçant n’a envie de travailler le dimanche.



{{Jean PAPILLON}} (Président de la Confédération Française de la Chaussure)
_ Une enquête de France Inter le 3 mars indique que sur 6 000 consommateurs, 75,02% sont contre l’ouverture le dimanche. L’ouverture le dimanche profite uniquement à ceux qui ont beaucoup de personnel. Le petit commerce risque de mourir si les ouvertures sept jours sur sept se concrétisent.



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ 75% des Français ne veulent pas travailler le dimanche.



_ {{Chloé RICHARD}} (Communauté d’agglomération troyenne)
_ Est-ce que la spécialisation de la législation sur les zones touristiques a des chances d’aboutir ?



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ Cette question renvoie plus aux comportements des gens qu’aux enjeux économiques. Les gens se comportent différemment quand ils sont en vacances. Le commerce doit s’adapter aux besoins du client.



{{Olivier DAUVERS}}
_ Mais comment être sûr que la société est prête pour ce changement ?



{{Neil CHAPMAN}} (Chameleon)
_ Le gouvernement français autorise t-il la vente en ligne sur Internet les dimanches en France ? Est-ce que cela a un impact sue le petit commerce qui ne peut pas lutter efficacement contre les grandes sociétés qui exploitent des sites internet ? En deuxième lieu, j’ai développé un centre commercial en Angleterre dans une ville très déclassée où personne n’aurait cru que ça marcherait. Nous avons développé ce centre comme une destination en y ouvrant des restaurants et des activités de loisir. C’est devenu l’un des centres commerciaux les plus visités en Angleterre, notamment les week-ends, parce que les familles peuvent y passer un moment agréable ensemble et y prendre du plaisir. Lorsque les gens sont décontractés, ils sont davantage enclins à dépenser de l’argent.



{{Marion KAHN-GUERRA}}
_ Le commerce sur Internet ne répond pas aux mêmes besoins. En dehors du téléchargement, les biens achetés ne sont pas obtenus immédiatement.



{{Emmanuel de LABARRE}}
_ Internet n’est pas le problème. Le consommateur change, le commerçant doit savoir s’adapter. Il ne s’agit plus d’une question de commerce uniquement mais d’une question de société.



{{Jacques MARY}}
_ Disposez-vous de données comparatives sur le chiffre d’affaires réalisé le dimanche par rapport à la semaine ?



{{Emmanuel DE LABARRE}}
_ Quand les enseignes nationales (à l’exclusion des hypers et des supermarchés), ouvertes habituellement six jours sur sept, ouvrent un dimanche, à lui seul, ce jour représente 20 à 30 % du chiffre d’affaires hebdomadaire. En revanche, quand les magasins sont habituellement ouverts sept jours sur sept, le dimanche totalise « seulement » entre 18 et 20% du chiffre d’affaires. L’effet bonus de l’ouverture le dimanche (pour un magasin ouvert six jours sur sept) se situe entre 10 et 15% de recettes supplémentaires. Cette augmentation atteint entre 15 et 20% pour les magasins ouverts sept jours sur sept.
_ Le calcul de la marge brute réalisée – incluant les charges – montre qu’à partir de 24% d’augmentation du chiffre d’affaires, l’opération « ouverture le dimanche » devient rentable.



{{Marion KAHN-GUERRA}}
_ Les propositions de loi sur le travail dominical ne sont pas radicales car elles reposent sur le volontariat des salariés, même si cette notion est ambiguë.



{{Bernard GONTIER}} (1er Vice-Président de la CCI de Saumur)
_ Il ne faut pas confondre la possibilité d’ouvrir le dimanche et l’obligation d’ouvrir le dimanche. Les interprétations des chiffres et des sondages sont aléatoires. Il faudrait laisser aux commerçants la liberté d’ouvrir le dimanche car la société s’adapte naturellement.



{{Brigitte MAULEON}} (Commerçante et membre élu de la CCI de Tours)
_ Trouver du personnel pour travailler le samedi est déjà difficile ! Dans le petit commerce spécialisé, il est ardu de faire travailler des étudiants.



{{Olivier DAUVERS}}
_ Les foires aux vins dans les supermarchés sont un contre-exemple : des bouteilles à 300 euros se vendent sans conseiller qualifié. Notre débat porte sur les dimanches et les jours fériés. L’offre crée la demande. Mais d’un point de vue sociétal, je suis contre l’ouverture le dimanche.



{{De la salle }}
_ Les centres de marques souhaitent accueillir du tourisme et offrir du loisir. On ne peut pas comparer le commerce de centre-ville avec les centres de marques ou les Champs Elysées qui ont une vocation particulière.



{{De la salle }}
_ Je suis favorable à une ouverture dominicale décidée par les maires car, très souvent, ils consultent les commerçants.