{{Olivier DAUVERS}},
_ {Rédacteur en chef « La Tribune Grande Conso »}
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L’année 2007 sera une année importante. Il existe actuellement deux millions de m² commerciaux dédiés aux centres de marques et magasins d’usine à l’échelle européenne. En 2003, la surface commerciale était de 50% inférieure. Le rythme de croissance est important, mais pourra-t-il être maintenu ? Plus d’un million de m² de projets est annoncé. Mais s’agit-il de véritables projets, d’intentions ou encore de projets sécurisés ? Les centres de marques attirent les opérateurs et les investisseurs, mais attireront-ils les marques et les consommateurs ?
– {{Un consommateur européen « type »}}
{{Pascal ROUSSARIE}},
_ {Directeur « L’Observateur Cetelem »}
_ Depuis 1989, « L’Observateur Cetelem » étudie le comportement du consommateur en France et plus généralement en Europe. Depuis l’année 2000, il a été prouvé qu’il existait un « consommateur européen ». Qu’est ce qui explique l’existence d’un « consommateur européen » ? Dans de nombreux pays européens, la monnaie est identique, tout comme les repères économiques, les concepts de distribution, et l’offre. L’appétit de consommation des pays d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est est remarquable, leur unique envie étant de consommer comme en Europe Occidentale. Ces divers facteurs ont ainsi façonné un consommateur dit « européen ». De ce fait, grâce à cette notion de consommateur européen, les modes de vie des différents pays européens s’harmonisent.
Le consommateur européen est fortement acheteur. Dans tous les pays, les intentions de consommer sont supérieures aux intentions d’épargner. Ce constat se renforce d’année en année. Il est toutefois possible de déceler un sentiment de frustration chez le consommateur, car le pouvoir d’achat, bien que positif, ne suit pas la volonté d’achat qui augmente considérablement.
– {{Quel est le lien entre le consommateur européen et les marques ?}}
Le développement du « hard-discount » en Europe laissait présager un amenuisement de la notion de marque. Toutefois, selon le consommateur lui-même, s’il n’y a pas de marque, il se sent perdu et perdant. Les consommateurs ont besoin des marques, car elles représentent une confiance durable et un repère de consommation.
_ La marque peut également être support du rêve. Le consommateur s’approprie les codes et les valeurs véhiculées par la marque. Quand on boit du Coca Cola, c’est l’american way of life qu’on s’approprie.
_ {{Olivier DAUVERS}}
_ Henrik C. Maris est consultant pour les centres de marques et suit ce métier depuis de très nombreuses années. Quel est le lien entre les consommateurs et les marques ? Voyez-vous ce lien aussi fort que dans la description de Pascal Roussarie ?
{{Henrik C. MARIS}},
_ {Factory outlet consultancy / Danemark}
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_ Je pense même que ce lien est plus fort. Nous voyons des marques partout dans le monde. L’environnement du consommateur est rempli de marques. Lorsque vous faîtes du shopping, vous souhaitez au premier chef des produits de marque. Vous voulez aussi des produits de marque au juste prix. Les clients de centres de marques sont exclusivement des consommateurs de marques. Dans le textile en général, il y a de plus en plus de personnes qui s’identifient à Mc Donald’s, Burger King, Coca-Cola et Pepsi-Cola. Les gens veule montrer le genre de personnes qu’ils sont à travers leurs vêtements comme s’ils étaient en train de choisir en tre Coca-Cola ou Pepsi.
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ S’agit-il des marques en général ou seulement de quelques marques en particulier ? Ne globalisons nous pas trop la notion de marque, en oubliant que nous devrions la stratifier ? Il est évident que toutes les marques ne se valent pas. Certaines ne valent vraiment rien.
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_ {{Henrik C. MARIS}}
_ Vous avez raison. Mais pour être une marque, vous devez vous positionner correctement en tant que marque. Et de grands secteurs gagnants attirent les marques. Vous trouvez des marques du secteur textile qui produisent des lunettes de soleil, des parfums, toute une palette de produits. Près de 200 marques à forte notoriété produisent des biens qui ne sont pas rentables du tout, mais qui leur permettent de renforcer leur image. Les consommateurs savent si une marque est une vraie marque ou simplement un produit avec un nom. N’oublions pas que le consommateur est intelligent. Ce n’est pas simplement une question d’identité commerciale.
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ Quel oeil les marques portent-elles sur le retail ? Comment jugent-elles l’évolution de la vente au détail en général, et des centres de marques en particulier ? Les centres de marques sont-ils un canal parmi d’autres ou un canal très spécifique pour elles ?
_ Alessandro Bedeschi, en tant que secrétaire général de l’association européenne des détaillants de mode, quel regard portent les enseignes que vous représentez sur l’évolution des centres de marques, de la naissance du concept il y a quinze ans jusqu’à la construction de villages de marques aujourd’hui ?
{{Alessandro BEDESCHI}},
_ {General Secretary, European Association of Fashion Retailers / Belgium}
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_ La situation des centres de marques en Europe varie considérablement d’un pays à l’autre. Dans certains Etats-membres, les centres d’usines deviennent une menace pour le commerce de détail traditionnel. Alors que d’autres les considèrent comme une alternative à la distribution traditionnelle. Il y a à la fois des raisons sociales, historiques ou juridiques qui sous-tendent ces différences. La position défendue par chaque membre de notre association au sujet des Centres de Marques dépend de situations spécifiques prévalant dans son pays.
– {{L’évolution des centres de marques en question}}
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ L’évolution des centres de marques vous paraît-elle positive ? Ou est-elle préoccupante pour vos adhérents ?
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_ {{Alessandro BEDESCHI}}
_ Là aussi, cela dépend vraiment du pays. Par exemple, on observe des différences nombreuses entre les pays d’Europe du nord et du sud. Il faut déterminer des niveaux clairs en matière d’accords. Dans certains pays, il y a absence de clarté juridique sur la situation des centres de marques et centres d’usine. Les centres d’usine vendent des sur-stocks et des produits hors saison. Dans les magasins d’usine légitimes, les fabricants vendent directement leurs produits aux consommateurs. Ils sont généralement éloignés des centres villes. Dans la plupart des cas, les choses sont différentes. Le concept d’origine des centres d’usine a évolué vers des villages de shopping, des centres de déstockage.
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ L’évolution que vous décrivez, est-elle positive ou négative ?
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_ {{Alessandro BEDESCHI}}
_ La question n’est pas de savoir si c’est bien ou pas. C’est une question de champ juridique. Dans certains pays du sud, cela peut faire problème, parce que ce que nous appelons magasins d’usine ressemble davantage à un centre commercial. Il faut comparer des services équivalents en matière de prix, de promotion, d’heures d’ouverture et de règles de process de gestion.
– {{Une appréciation des marques spécifique à chaque pays}}
{{Emmanuel DE LABARRE}},
_ {Directeur Général, Eurelia}
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_ Une « marque-enseigne » se distingue d’une « enseigne-marque ». Bien qu’il existe un consommateur européen, chaque pays possède une appréciation des marques, voire des enseignes, parfois totalement différente sur un même type de produit.
_ Les enseignes ont une approche particulière du « mètre carré utile » (les mètres carrés sont-ils nécessaires afin d’écouler les produits ? Est-il possible de faire des bénéfices ?). Toutes les marques n’ont pas la même position par rapport à la notion du mètre carré commercial. En effet, certaines refusent de vendre leurs produits dans certains types de super-production. Cela dépend également de l’image que l’enseigne donne d’elle même (d’où la nécessité de faire la distinction entre centre de marques et centre commercial), son rôle étant également d’analyser l’opération commerciale.
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_ Le regard des marques a changé, au même titre que la nature même des projets de centres de marques ou magasins d’usine. Trop de mètres carrés commerciaux sont parfois proposés dans ces centres. Toutefois, cela reste une opportunité pour certaines marques ou enseignes désirant acquérir une reconnaissance européenne. De plus, les loyers d’implantation dans certains pays sont inférieurs aux nôtres, et la notion de propriété commerciale est parfois perçue différemment.
– {{Des centres de marques en ligne ?}}
{{Sven LUNG}},
_ {Président de « Brand Alley »}
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_ La « Brand Alley » est un factory outlet center en ligne créé en 2005 qui compte 1,5 million de visiteurs et 60 000 produits expédiés chaque mois. En France, la croissance annuelle de ce marché est de 60%. Le modèle de vente de la société de services Brand Alley est différent du modèle dit « vente flash ». La société met à disposition les marques à travers une plate-forme technologique, à l’instar des grands magasins, afin de gérer un stock « externalisé ».
_ Ce marché représente aujourd’hui un nouveau mode de consommation pour les internautes. Il occupe en France 4% de la part de marché totale de l’habillement et a produit un chiffre d’affaires global de 900 millions d’euros en 2007. Les produits les plus vendus concernent la femme, l’enfant ou encore le textile. Brand Alley englobe dans ses ventes les produits issus du déstockage ainsi que les produits dits full price.
Un « extranet » est proposé aux marques pour piloter leur propre corner. Elles ont ainsi accès aux statistiques des ventes, et peuvent procéder à des « tests d’élasticité de produit », exclusivement sur Internet. Il s’agit ici d’une véritable boutique externalisée sur Internet. Brand Alley collabore avec plus d’une centaine de grandes marques et le marché est présent dans de nombreux pays d’Europe.
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ Que faire pour convaincre une marque de rejoindre ce marché ?
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_ {{Sven LUNG}}
_ Il est difficile pour une marque de faire le premier pas et de se lancer sur ce marché. Lorsque l’on ne connaît pas Internet, il est difficile d’y exposer ses produits. Toutefois, dès lors qu’il est question de chiffres, les marques prennent rapidement leur décision. Cela doit néanmoins rester qualitatif, car le site est visible 24/24h par des millions de personnes. La clientèle de la société « Brand Alley » est à 80% provinciale. Sur Internet, un acheteur sur deux (dans le domaine du textile, de l’informatique ou même de l’habillement) habite dans un village de moins de 2000 habitants. Il s’agit de personnes n’ayant pas accès aux marques ou aux grands magasins, et qui vont de ce fait s’approvisionner sur Internet.
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– {{Internet, un tremplin pour l’activité « full price » des marques ?}}
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_ {{Sven LUNG}}
_ « Brand Alley » propose aux marques de tester l’activité de déstockage sur Internet, afin qu’elles se familiarisent avec les concepts de l’e-commerce. Sur Internet, la marque est accompagnée par « Brand Alley » qui lui permettra éventuellement de développer son commerce dit full price.
Toutefois, le consommateur français n’est pas prêt à accepter un marché de ce type. Ce concept est pourtant déjà visible sur des sites américains, qui vendent uniquement du full price et des produits de luxe.
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– {{« Invendus » et « invendables », quelle différence ?}}
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ Il est nécessaire de faire la différence entre « invendus » et « invendables ». Une robe, par exemple, se trouvant toujours en magasin en fin de saison, est invendable, alors que les « invendus » à proprement dit peuvent avoir une deuxième vie. Les invendus représentent de 2 à 3 % des produits à, au maximum, environ 50%. La marge est donc très large.
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– {{L’ouverture des magasins le dimanche}}
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_ {{Emmanuel de LABARRE}}
_ Le problème de l’ouverture dominicale n’est pas économique. Il est avant tout sociétal. Tant que l’on ne saura pas clairement ce que notre société attend des liens qui l’unissent avec le monde du commerce, il est inutile de procéder à des sondages ou des études pour prouver que l’ouverture des magasins le dimanche a des effets positifs ou négatifs d’un point de vue économique.
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– {{Comment Internet est-il perçu par les marques ?}}
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_ {{Olivier DAUVERS}}
_ Internet cumule plusieurs avantages. Ce moyen de communication est rapide, et il est possible d’envoyer des alertes sous forme de mail par millions. Mais il faut toutefois se méfier de la rançon imposée en contrepartie de ces avantages. En effet, la visibilité est peut être trop importante quant au bradage des marques. De ce fait, les marques sont parfois réticentes, car Internet donne trop de visibilité à leurs opérations de déstockage.